vendredi 8 juillet 2011

signification du 23 Juin






Dans un article précédent, je signalais, porté par la ferveur des événements du 23 juin, que ce qui s’est passé ce jour là était le fait d’un mouvement atypique, et qu’il importait au plus haut point d’en méditer la signification. Atypique, il l’est  à un double niveau : le premier c’est qu’il n’a rien de spontané comme certains ont voulu le faire croire. C’est au contraire un mouvement structuré, issu de la périphérie de ce qu’il est convenu d’appeler « la classe politique », même si l’opposition et la société civile en ont été jusqu’à un certain point les encadreurs. Or, jusque là cette frange de la population – jeune, banlieusarde, parfois non diplômée et issue du mouvement hip hop- n’avait jamais joué de rôle politique majeur. Certes, le radicalisme politique du mouvement hip hop sénégalais est une réalité, mais jamais il n’a eu de prise effective sur la réalité du terrain parce qu’il était confiné, croyait-on, aux marges de notre société. Le deuxième niveau, qui découle du premier, c’est que ce mouvement se situe à équidistance des partis politiques, ce qui lui confère une crédibilité dont très peu d’associations peuvent aujourd’hui se prévaloir. Cela ne signifie absolument pas qu’il s’agit d’un mouvement apolitique. Au contraire c’est là la marque d’un rapport au politique tout à fait inédit, une façon de faire de la politique autrement plus exigeante, selon des critères et des valeurs qui ne mettent pas en avant des intérêts personnels, mais seulement celui du plus grand nombre.
Ces deux aspects montrent que nous avons  affaire à l’émergence sur la scène politique   d’une opinion publique éclairée qui n’entend plus se laisser berner par la classe politique. L’erreur à ne pas commettre serait donc de croire que ce n’était là qu’un soubresaut passager d’une opinion indignée qui va se tasser passager. Que le Président de la république se soit jusque là emmuré dans un mutisme embarrassé, multipliant les réunions au palais avec son état major et ses alliés, montre qu’il a parfaitement compris que ce qui s’est produit ce jour là est un événement unique sous son magistère. Jusque là il pensait que rien ne pouvait lui arriver, que l’opposition était incapable de mobiliser les sénégalais contre son pouvoir, et que l’opinion publique, toute seule, n’avait aucune conscience politique  pouvant lui permettre de contrecarrer ses plans. C’est la raison pour laquelle il s’est toujours comporté avec les sénégalais comme un chef de canton, et son épouse comme en territoire conquis. Il a donc compris, et c’est là qu’il faut justement que nous redoublions de vigilance, Wade n’étant jamais assez dangereux que quand il se sait acculé. 
Il n’a plus beaucoup de cartes en mains, sa marge de manœuvre étant sérieusement réduite du fait de la radicalisation d’une opinion publique qui ne lui fait plus confiance, mais celles qui lui restent il les jouera à fond.  La situation est d’autant plus critique qu’il sait que c’est la survie de son régime qui est en jeu, et il n’est pas sans savoir que s’il perd le pouvoir les conséquences pourraient en être catastrophiques pour son entourage immédiat, particulièrement pour son fils, pour les raisons que l’on sait. Il ne se laissera donc pas faire. C’est pourquoi il ne faudrait pas se bercer d’illusions quant à l’issue finale de cette revendication portée par l’écrasante majorité des sénégalais, à savoir l’invalidation de sa candidature à la présidentielle 2012. Il ne se rendra pas avant d’avoir combattu. Wade a une structure mentale assez particulière qui fait qu’il ne se sent à l’aise que dans l’adversité, et c’est justement cet état d’esprit qui a modelé le militantisme de son parti. Le PDS est né et a grandi dans un contexte de répression politique assez particulier, et il en a gardé non seulement les stigmates, mais aussi une farouche détermination au combat et une capacité inouïe à faire bloc autour de son leader lorsque la situation l’exige.
Mais Wade  est avant tour un grand stratège qui connaît son opposition, les failles de celle-ci, et donc les maillons faibles de la chaine sur lesquels il pourrait être amené à agir le moment venu. Il faut donc s’attendre à ce qu’il lâche cette fois-ci du lest en direction de l’opposition, non pas par les propositions habituelles qui ne trompent personne, mais par quelque chose d’assez consistant qui fera croire aux plus naïfs qu’il est réellement à l’écoute du peuple. Les plus opportunistes se laisseront prendre, et c’est là, justement,  que l’exigence de vigilance devra être de mise.
Si nous voulons que l’espoir né ce fameux 23 Juin soit l’amorce d’un authentique mouvement démocratique, à l’instar de ceux qui sont entrain de bouleverser la géopolitique du monde arabe, nous devons rester mobilisés et nous faire à l’idée que personne ne défend mieux les intérêts du peuple que le peuple lui-même, et qu’un peuple qui a besoin de messie est un peuple qui a déjà renoncé à sa liberté.




mardi 28 juin 2011

Le blog de Bado Ndoye: Manifester ou voter ?

Le blog de Bado Ndoye: Manifester ou voter ?: "Dans une interview parue ce samedi 24 juin dans Seneweb, le rappeur sénégalais Didier Awadi déclare, entre autres : ' Manifester c'est bon..."

samedi 25 juin 2011

Le blog de Bado Ndoye: Manifester ou voter ?

Le blog de Bado Ndoye: Manifester ou voter ?: "Dans une interview parue ce samedi 24 juin dans Seneweb, le rappeur sénégalais Didier Awadi déclare, entre autres : ' Manifester c'est bon..."

Manifester ou voter ?



Dans une interview parue ce samedi 24 juin dans Seneweb, le rappeur sénégalais Didier Awadi déclare, entre autres : "Manifester c'est bon, voter c'est mieux". Dans le même élan il déclare qu'il était en Mauritanie ce jeudi 23, sans doute pour expliquer pourquoi  il n'a pas participé aux manifestations, aux côtés des autres rappeurs séngalais.Je ne crois pas que l'on doive ainsi mettre le vote, qui est la chose la plus banale dans une démocratie, au-dessus du droit de manifester, quand la situation politique l'exige. Si les sénégalais n'étaient pas descendus dans les rues ce fameux jeudi 23, le projet de loi intituant le dauphinat serait passé comme lettre à la poste, et Wade serait encore passé au premier tour, parce qu'il est capable, malgré son impopularité, d'avoir 25 pour cent des suffrages. Ce que Awadi semble ignorer, c'est que dans une démocratie on ne vote pas tous les jours, alors que les atteintes à la liberté des citoyens est devenue quotidienne sous le régne de Wade. La Constitution qui est censée régir notre vie a été modifiée quinze fois, à des fins purement politiciennes. Tant qu'on l'a laissé faire il s'en est donné à coeur joie, pensant sans doute que jamais personne n'oserait se dresser sur son chemin. Quant au nombre de meurtres restés pendants devant la justice on ne les compte plus. Le dernier en date est celui de Malick Bâ, tombé à Sangalkam il y'a juste quelques semaines. Parce que les gens ne disaient jamais rien Wade se croyait tout permis.

Il faut donc encourager les sénégalais à cultiver le reflexe qui consiste à descendre dans la rue pour demander des comptes à ceux qui nous gouvernent. On ne peut pas réduire la vie d'une nation aux seules élections. Tout au début de son magistére, le président de la république, encore porté par l'euphorie de sa victoire historique sur Abdou Diouf, promettait que le droit à la manifestation étant sacré et que les interdictions  étaient désormais...interdites. Or, depuis lors il  n'a cessé d'interdire sytématiquement toutes les manifestations, comme s'il avait subitement peur des sénégalais. Ce qui s'est passé ce jeudi 23 doit être salué comme un grand moment de démocratie, et Awadi n'a pas le droit de le minorer. D'ailleurs je me demande s'il ignore bien tout cela, ce cher Awadi, lui qui a en partie bâti sa popularité sur son engagement politique puisqu'il ne rate aucune occasion pour descendre en flammes le régime de Wade. Je crois plutôt que ce qu'il ne supporte pas, c'est que d'autres rappeurs plus radicaux que lui, qui plus est, l'ont publiquement accusé d'avoir bénéficié des largesses du régime lors du Fesman, soient cette fois-ci les héros de cette journée historique...

vendredi 24 juin 2011

Rêves de révolution



Qui disait que les évenements de Tunisie et d'Egypte n'étaient pas possibles au Sénégal ? Ce qui s'est passé ce jeudi 23 juin à Dakar autour de l'assemblée nationale n'est pas un épiphénoméne destiné à s'évanouir dans nos mémoires, mais quelque chose d'historique que nous devons méditer profondément. Jusque là tout le monde croyait , et Wade le premier, que l'on ne pouvait pas mobiliser les Sénégalais contre son régime, que c'était peine perdue que de vouloir s'y essayer. Wade s'est cru trop longtemps invincible, sans doute parce qu'il a toujours pensé que ce pays lui appartenait, lui et son clan, ou qu'il était plus intelligent que les autres. C'est un peuple uni et décidé qu'il a rencontré ce jeudi sur son chemin, ce même peuple qui l'avait pourtant porté au pouvoir, mais  qui n'accepte pas  son projet de monarchisation de la République. 
Ce qui est remarquable c'est que le déclic est venu du mouvement hip hop, même si l'opposition et la société civile ont tout encadré. Tout se passe comme si le face à face entre Wade et son opposition était condamné à s'éterniser et à ne pouvoir produire autre chose que de l'immobilisme . Et puis voilà, des jeunes qui d'habitude sont à la périphérie de la vie politique "normale" - malgré leur engagement radical - , sont venus dégripper la machine et lui redonner un souffle nouveau, permettant ainsi à l'espoir de renaître. Pourtant il ne s'agissait pas cette fois-ci de revendiquer contre la vie chére ou les coupures d'électricité, mais d'une révolte morale, d'une exigence éthique au sens fort du terme. Ce que les Sénégalais ont crié fort ce jeudi, c'est leur désir d'être au coeur des décisions que les hommes politiques sont appelés à prendre en leur nom, et qui les concernent au premier chef. Ils ne veulent plus être de simples spectateurs passifs quand leur destin est en jeu. Ils veulent désormais être les acteurs de leur propre vie parce qu' Ils ont compris que le pouvoir, même démocratiquement élu, est par essence et par définition totalitaire, si rien ne vient le limiter et le normer. Ils ont compris que le simple "jeu" des institutions ne suffit pas pour garantir la liberté et l'égalité entre les citoyens, mais qu'il faut que le peuple veille constamment sur celles-ci et sur ceux qui sont chargés de les faire fonctionner. Comment comprendre autrement la démocratie ? Bertold Brecht dit  que " tout pouvoir vient du peuple. Mais où diable va-t-il ? Parce qu'il va bien quelque part !" Il a raison Brecht, parce que le pouvoir du peuple va toujours quelque part : il est toujours confisqué, volé et retourné contre le peuple qui en était l'émanation. Or, contre une telle perversion il n' y a qu'un reméde, la vigilance et la mobilisation populaires. Les peuples de Tunisie et d'Egypte n'ont pas revendiqué autre chose que cela, et les sénégalais qui s'étaient assoupis à force de croire que les acquis démocratiques étaient définitifs semblaient l'avoir oublié. Aujourd'hui nous avons compris : le meilleur moyen de défendre la liberté c'est de ne jamais faire confiance à ceux et celles qui se font une vocation de nous diriger ! Si la démocratie est le pouvoir du peuple, - ce qu'il est en fait -, le pouvoir qui vient du peuple doit rester au peuple !